di Thierry Desseauve
On ne le cachera pas, 2013 n’est pas
un « grand » millésime. Les conditions climatiques de l’année ont été à la fois
inédites et ultra compliquées à gérer par les vignerons. Un hiver très froid
suivi d’un printemps glacial et pluvieux entraînèrent un retard et une
hétérogénéité terrible dans la floraison de la vigne. En juin, quelques orages
de grêle ravagèrent en outre certains crus. Mais les mois de juillet et d’août
furent chauds, ensoleillés, splendides en un mot : la vigne rattrapa une partie
de son retard, même les rendements apparaissaient déjà extrêmement limités et
les différences de maturité d’un raisin à l’autre souvent énormes. Septembre
fut agréable jusqu’à ce que des murs de pluie se déversent à la fin du mois,
puis après le 9 octobre. Au final, petite récolte et grosses difficultés. Ce
millésime me rappelle l’un des premiers millésimes bordelais que j’ai suivi,
1984. Pas en primeur, mais dès la mise en bouteille. Avec 1992, 1984 est
certainement le plus mauvais millésime bordelais de ces trente dernières
années. À l’époque, on parlait plus de vinification et d’élevage que de
viticulture. En dégustant ces 1984, j’avais été surpris par la raideur des
tanins et souvent la dilution du vin provenant de raisins gorgés d’eau et
souvent attaqués par la pourriture. Pourtant, cette mauvaise matière première
avait subi des cuvaisons plus longues que dans les millésimes précédents-pour
extraire plus de tanins et faire des vins plus charpentés- et avait été élevée
dans des barriques de chêne plus récentes, parfois neuves. Les redégustant
quelques années plus tard, on découvrait des vins décharnés, aux tanins secs et
verts et toujours dominés par des arômes qui rappelaient ceux d’une planche de
bois. J’en avais tiré une leçon : récolter un raisin à la meilleure maturité
possible est la clé des vins réussis.
Précisément, ce millésime 2013 montre à
quel point la viticulture a progressé et sait aujourd’hui maîtriser ce type de
conditions. Au milieu de vins dilués ou au contraire raides, on trouve aussi
beaucoup d’échantillons harmonieux, jouant avec intelligence la finesse et la
fraîcheur plutôt que la puissance, témoignant du génie de leur terroir plutôt
que du savoir-faire de leurs œnologues. « Il n’y a plus de mauvais millésimes
», entend-on de plus en plus. C’est certainement vrai si l’on considère que l’on
sait aujourd’hui s’adapter à beaucoup d’aléas climatiques. Mais il reste des
mauvais vignerons…
12 vins accessibles et à ne pas
manquer
▪
Château Figeac, parce qu’il se
rapproche des plus grands et que son prix restera sage
▪
Château Jean Faure, confirmant son
statut de super challenger à Saint-Émilion
▪
Château Laroze, une vraie
personnalité pour connaisseurs
▪
Clos Saint Julien, minuscule
propriété de Saint-Émilion, mais grande classe
▪
Clos du Clocher, toujours bon et
encore cette fois-ci
▪
Château Haut-Carles, parce qu’il
serait temps que l’on s’aperçoive de l’excellence de ce cru de Fronsac
▪
Château Croix-Mouton, le bordeaux de
Philippe Janoueix a du nerf, de la profondeur et beaucoup de personnalité
▪
Château Le Boscq, discret
saint-estèphe qui s’impose avec force et sérénité
▪
Château Monbrison, la classe de
Margaux, tout simplement
▪
Château Durfort-Vivens,
incontestablement revenu dans son rang
▪
Château Dauzac, ou le début d’un
renouveau ?
▪
Château Pédesclaux, où le renouveau
se confirme.
… et un blanc extraordinaire
▪
Château de Valandraud, bordeaux blanc
di Michel Bettane
2013 fut certainement l’une des
années les plus difficiles du dernier quart de siècle pour le vigneron
bordelais. Sans parler de larges zones complètement ravagées par la grêle et
n’ayant rien pu produire, l’alternance schizophrénique de périodes trop froides
ou trop chaudes, trop sèches ou trop humides et toujours au mauvais moment a
été un vrai cauchemar. D’immenses progrès techniques au niveau des matériels de
tri du raisin et de réception des vendanges ont permis de produire des vins
d’une qualité qui aurait été inconcevable il y a encore vingt ans.
Les blancs secs récoltés à la
mi-septembre ont profité de leur précocité. Nerveux, très aromatiques, très
denses en raison des petits rendements, ils réconcilieront peut-être le public
international avec leur style bien tranché. Les raisins rouges n’ont pu aller
jusqu’au bout d’une maturité tardive en raison du développement galopant de la
pourriture, mais le mois de juillet très chaud a paradoxalement brûlé les
marqueurs aromatiques d’une vendange rentrée pas assez mûre et on trouvera
rarement des arômes excessifs de poivron qui déplaisent tant aux
professionnels.
Les meilleurs rouges sont certes
nerveux, mais très francs et on se réjouira de l’habileté avec laquelle la
nouvelle génération de vinificateurs a su éviter les excès d’extraction. Enfin,
les vins liquoreux ont été les grands gagnants de cette vendange. Ici, le
développement de la pourriture noble était nécessaire pour l’obtention de la
qualité. Les vins sont riches, frais, sans aucune lourdeur dans leur liqueur et
devraient faire de très belles bouteilles.
Voici 10 vins d’un futur rapport
qualité prix probable
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Château Olivier, pessac-léognan rouge
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Château Labégorce, margaux
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Château Durfort-Vivens, margaux
▪
Château Meyney, saint-estèphe
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Château Pédesclaux, pauillac
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Château Sigalas-Rabaud, sauternes
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Château Fonplégade, saint-émilion
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Château Marjosse, bordeaux blanc
▪
Château Rahoul, graves blanc
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Château de Cérons, cérons
Château Climens à Barsac n’a pas été
noté
comme d’habitude, l’assemblage du vin n’est pas fait et nous dégustons
les lots successifs en suivant l’ordre des vendanges. La base du vin sera
formée d’une première trie de fin septembre somptueuse et d’un passage plus
tardif après la mi-octobre ayant bénéficié d’une très chanceuse accalmie des
pluies. Ce sera certainement un très beau climens, opulent, dense, noblement
aromatique, mais évidemment on ne peut pas encore noter un vin qui n’existe
pas. Certains le feront peut-être…